Les agriculteurs comoriens se mobilisent pour préserver leur forêt

Aperçu de la déforestation aux Comores

Aperçu de la déforestation aux Comores

Nabouhane Abdallah, agriculteur, constate avec tristesse le débit d’eau qui diminue dans les deux rivières de son village natal d’Adda. Ce constat est général sur l’île d’Anjouan aux Comores : en cinquante ans, plus de deux tiers des rivières ont tari et la plupart des survivantes ne coulent qu’en saison des pluies.

La disparition des rivières est une cause directe de la déforestation, qui atteint des records aux Comores. L’archipel a souffert du plus fort taux de déforestation mondial entre 2000 et 2010, soit 9,3%. Cela a entrainé le tarissement des sources, mais aussi une très forte érosion et la perte de fertilité des sols.

A Adda, l’agriculture familiale est l’activité principale de plus de 90% des habitants du village. Avec la perte de fertilité des sols et l’accroissement rapide de la population, les agriculteurs se retrouvent obligés de défricher des parcelles plus fertiles dans la forêt pour subvenir à leur besoins quotidiens : un cercle vicieux s’est installé.

Depuis 2014, Nabouhane travaille avec l’ONG comorienne Dahari pour mettre en place à Adda un programme de gestion communautaire des ressources naturelles, en partenariat avec le CIRAD et grâce à un financement de l’Union Européenne.

Nabouhane fait partie du comité de gestion de ce projet. Il suit de près l’évolution de la pépinière d’arbres fruitiers et forestiers pour les reboisements à venir. Aujourd’hui plus de 1000 plants sont en cours de germination à Adda. Il raconte : «Les espèces d’arbres fruitiers qu’on a choisis sont l’avocatier, le mandarinier, et l’arbre à pain. En plantant ces arbres, on sait que dans quelques années ils nous rapporteront financièrement. Nous avons aussi décidé de planter le mkindri mkindri, le fouantsi, et le mpapa. Ce sont des arbres forestiers endémiques, qu’il est important de sauvegarder, pour le patrimoine des Comores mais aussi pour la faune !»

En effet, la faune des Comores est elle aussi victime de la déforestation. La Roussette de Livingstone, chauve-souris endémique des îles d’Anjouan et Mohéli, est en danger d’extinction. Son habitat est menacé par les glissements de terrain et le déboisement, et aujourd’hui il ne reste que 1300 individus de cette espèce.

Le programme de gestion des ressources naturelles mis en place avec Dahari intègre une importante partie sur la conservation de la biodiversité. Les sites dortoirs de la Roussette sont en cours de conservation participative, basé sur un modèle de paiement pour services écosystémiques. L’objectif est que les agriculteurs bénéficient de la sauvegarde de cette espèce.

Misbahou Mohamed, coordinateur stratégique de Dahari, explique les détails du programme de gestion intégrée des ressources naturelles : «Le programme est composé de plusieurs actions. D’abord, nous avons accompagné les comités de gestion d’eau d’Adda à identifier les zones d’aménagement prioritaires. Une grande campagne d’embocagement de parcelles est en cours afin de limiter l’érosion, et nous allons reboiser les zones de bassins versants avec des arbres multipliés localement dans les pépinières communautaires.
Parallèlement, les agriculteurs bénéficient d’un appui rapproché et de formations sur les techniques d’agroécologie, de lutte anti-érosive, et de défense et restauration des sols. Nous travaillons aussi avec les communautés sur la conservation participative de la biodiversité, en particulier sur la roussette de Livingstone. Une grande partie du programme est également dédiée au renforcement de capacités des comités de gestion d’eau et des agriculteurs, à la mise en place des mécanismes de gestion des ressources naturelles, et à la pérennisation des activités.»

Aujourd’hui, les habitants d’Adda ont compris l’importance de la forêt, et son lien avec l’eau, le sol et la biodiversité. De plus en plus, l’engagement s’intensifie pour lutter contre le déboisement. Nabouhane a été rejoint par une dizaine d’agriculteurs pour l’entretien de la pépinière. Vingt autres ont accepté de replanter des arbres dans leurs parcelles et sont volontaires pour effectuer des suivis réguliers de la forêt. Et la commune d’Adda, ainsi que les associations locales telles que le comité de gestion de l’eau potable, se joignent au mouvement.

Au village, le programme est un succès et on espère déjà la participation de plus de 500 personnes pour le premier reboisement en décembre. Il faudra du temps avant que les rivières retrouvent un débit élevé, mais Nabouhane est satisfait : «Il faut des années pour faire pousser une forêt. Si je veux que mes petits-enfants profitent de l’eau de cette rivière, autant s’y mettre maintenant.»

Du côté de l’ONG Dahari, la réussite du projet à Adda permet de reconduire les actions sur d’autres zones de l’île d’Anjouan. Avec de nouveaux financements, l’organisation comorienne souhaite même reproduire le modèle sur les autres îles des Comores.

Plus sur l’ONG Dahari
Plus sur le projet ECDD qui a donné naissance à Dahari

Blogpost submitted by Anne-Gaëlle Borg (Dahari, Comores) – annegaelle.borg(at)daharicomores.org
Picture courtesy Hugh Doulton (Dahari)

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51 thoughts on “Les agriculteurs comoriens se mobilisent pour préserver leur forêt

  1. A couple of suggestions on how to strengthen your presentation and your project. First, you could describe what destroyed the original forest in the first place? What were the direct causes (clearing for agriculture, over-cutting for wood fuels, over-grazing, etc?). What were the root causes or drivers for each direct cause? If the villagers replant the forest, what will prevent the destruction of the restored forest by the same threats that destroyed the original forest?

    Second, and most importantly, who owns the land that is being reforested? Every reforestation effort should start with a clear definition of land and tree tenure. Who will own the trees in the new forest? Do the villagers have the right to protect and/or use the trees they have planted? Are the fruit trees being planted on privately owned parcels or on communal land? There is not much for success stories with communal fruit trees plantations. Reforestation efforts often tail if land and tree tenure/rights are not clearly defined before the trees are planted.

    I understand that the main motivation is to restore the watershed function, but this doesn’t preclude sustainable management and harvest of the forest. Have you considered this option? The restored forest could be managed as a self-financing, profit making community enterprise. To do this, the community managers must reinvest part of the revenues generated back to cover management costs. Volunteer labor can be replaced by paid labor. This may be the best way to ensure long term incentives for sustainable use, but governance aspects are crucial — especially mechanisms for ensuring the equitable sharing of costs and benefits. There are 30 years of experience in commercially-oriented, community-based management of dryland forests for the sustainable production of woodfuels for urban markets in six West African Sahelian countries that could be of interest to you if you wish to pursue this option.

    There is a tree species that has been very successfully planted on Moheli that produces a high-valued tropical wood that is of such high value that it is sold by the kilogram. There is a good chance it would also grow on Anjouan. If you are going to plant trees, you might as well plant high value trees.

    Best of luck with your endeavors!

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    • First, let me commend the very important work accomplished by your NGO. The evidence shown through the GoogleMap is impressive. While I consider myself as strong supporter of reforestation using endemic species but economical and ecological useful, I beleive that you should carefully consider the analysis and piece of advice given by Roy in his comments.
      The proposed intervention is good and should even be replicated all along the rivers in Anjouan providing fruits and improving habitats for the livingstone bats and hope other species like lemuriens and improving watershed. Nevertheless, noting that the deforestation at leat in Anjouan is due to two main causes : expension of usable land and collection of wood for cooking and construction. In this context, part of your activities should respond to these roots causes taking account the issue related to tenant of lands which is sensitive in the context of Anjouan.
      I wish you courage and success and I would be happy meeting you and/or your team during my next visit to my mother land.

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    • Bonjour Oumar. Oui, les agriculteurs sont le moteur de l’économie des Comores. A Anjouan ils représentent près de 80% de la population. Nous faisons tout notre possible pour qu’ils puissent augmenter leurs revenus, et contribuer à la relance de l’économie des comores

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  2. bonjour, j ai aprecier votre article, je voudrai savoir si sa serai possible de l impliker les association dans ce projet?

    je pense aussi que le village de limby est tres toucher par la deforestation.

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    • Bonjour,
      Actuellement nous travaillons en collaboration avec les associations locales des villages. A Adda, c’est surtout le comité de gestion du périmètre irrigué et le comité de gestion de l’eau. Mais l’objectif est d’impliquer le plus d’associations dans chaque village.
      Il est vrai que Limbi est un village très touché par la déforestation. Si les premières initiatives sont concluantes à Adda, Outsa et Ouzini, nous reproduirons le modèle dans d’autres zones, en collaboration avec les communautés et les associations locales.

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  3. Très bel article !
    Qu’est-il prévu de faire pour la sauvegarde des espèces endémiques (type chauve-souris d’Anjouan) ?
    – recensement?
    – suivi au jour le jour?
    – autres …
    Continuez comme ça !!

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    • Bonjour Bapt,
      Pour les chauves-souris Livingstone, des recensements sont effectués deux fois par an dans chaque site dortoir : un recensement en saison sèche et un en saison humide. Un travail est en cours avec les propriétaires des terrains autour des sites dortoirs : pour la protection des sites, ces terrains seront aménagés. L’objectif principal est de reboiser avec des arbres forestiers au plus près des sites dortoirs, et d’intensifier les cultures dans les zones plus éloignées du dortoir.
      En ce qui concerne les autres espèces menacées, L’équipe de Dahari va étudier l’écologie des espèces afin d’identifier les espèces clé à conserver en priorité. Des recherches ont déjà été effectuées concernant un oiseau (le petit-duc d’Anjouan) et un mammifère (le lémur mongos).

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    • Bonjour Mudu,
      Aujourd’hui la diaspora comorienne, au travers de l’Union des Comoriens Anjouanais de la Diaspora (UCAD) soutient des sous-projets liés à la gestion des ressources naturelles à Anjouan. Récemment, l’UCAD a cofinancé la mise en place d’un périmètre irrigué à Adda. L’organisation est également impliquée pour soutenir les campagnes de maraichage, et d’intégration agriculture élevage.

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  4. Ce projet est vraiment très intéressant et pour avoir visité l’île d’anjouan je peux confirmer que la déforestation est problème majeur. Vous présentez ici les actions menées au village de Adda et prévoyez d’étendre ces actions à d’autres zones mais avez vous déjà déterminé les villages qui seront concernés? pensez vous que la population sera autant réceptive dans les autres village?

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    • Merci pour votre intérêt Floriane.
      Pour l’instant, nous avons lancé le projet dans 3 villages pilotes : Adda, Outsa et Ouzini. Cela nous permet d’ajuster le modèle au fur et à mesure jusqu’à comprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas.
      Par la suite, nous souhaitons étendre le programme à tous les villages qui entourent la forêt de Moya, en particulier ceux dans lesquels Dahari intervient déjà : Lingoni, Pomoni, Nindri, Kowé, Moya, Adda, Outsa, Ouzini, Salamani et Ngandzalé.
      Dans ces villages, la population a déjà passé l’étape de la prise de conscience de l’ampleur de la déforestation. Nous pensons donc qu’en s’appuyant sur les bonnes personnes, nous pourrons motiver les habitants pour qu’ils participent activement à la sauvegarde de leurs ressources naturelles.

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  5. Très bel article ! Nous somme tout à fait complémentaire et cela fait plaisir à voir ! Je travail dans l’ylang pour économiser du bois lors des distillations et Dahari reboise avec un programme comme celui-ci !! Bon courage et continuez à développer les Comores 😉

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    • Merci pour les encouragements Bastien! Les distillations d’ylang sont une des causes du déboisement, mais elles restent essentielles à l’économie des Comores. Vos efforts pour mettre en place des dispositifs économes en bois sont vraiment quelque chose de positif pour nos forêts.

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  6. Pingback: Les agriculteurs comoriens se mobilisent pour préserver leur forêt | Good Morning Comores

  7. Reblogged this on Good Morning Comores and commented:
    Désolé, pas de nouvelles depuis des mois sur ce blog… Toujours beaucoup de boulot !
    En parlant de boulot, je participe à un concours pour tenter de gagner une caméra GoPro. Pour être parmi les finalistes, il faut que mon article engrange un maximum de vues, de likes et de commentaires.
    Pour me donner un coup de pouce, c’est par là : https://forests2015.wordpress.com/2015/07/29/les-agriculteurs-comoriens-se-mobilisent-pour-preserver-leur-foret/

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  8. les bases de l’action sont bonnes avec l’implication des population sur une échelle petite. Alors, nous avons de l’assurance que l’initiative fera tâche d’huile sur toute l’île d’Anjouan.

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  9. ce projet j’ai longtemps revé de son existence,merci de vos efforts esperons que la population comprendra car eux ils ont un grand role à jouer,sensibilisont les au profit de la reucite de ce projet,merci!

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    • Nous sommes convaincus que la population comprendra. Le projet est mis en oeuvre avec eux. Il répond aux problèmes qu’ils ont identifiés, avec des solutions qu’ils ont imaginées et validées. Un mouvement positif est en marche.

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    • Bonjour Camille,
      Pour diminuer le nombre d’arbres coupés, nous mettons en place un appui direct auprès des agriculteurs, afin qu’ils augmentent leurs rendements sur leurs parcelles, et qu’ils n’aient plus besoin de défricher de nouvelles terres.
      Nous travaillons également sur une étude complète d’utilisation du bois forestier, qui va nous permettre d’identifier la part des causes majeures des coupes de bois : cuisson, meubles, distillation, agriculture.
      Nous pourrons ainsi mettre en place des solutions adaptées pour chaque besoin en bois.

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